L’IGNORANCE AU POUVOIR
Par
philippe moissonnier
Le 02/04/2016
Voilà maintenant plus d’un an que la France fait face au terrorisme.
Les assassins sont Français, ils ont été formés dans nos écoles républicaines, venus du milieu urbain ou du monde rural aussi bien issus des classes populaires que des classes aisées pour une minorité d’entre eux.
Un grand nombre est converti, venu d’autres religions, athées, ou born-again redécouvrant la religion de leur famille, de la pire des façons.
Destin onirique. Tous n’ont qu’un seul but la mort.
La leur tout d’abord gage d’un paradis où ils intercèderont en faveur des leurs, pauvres égarés du sentier divin, celle des autres, de l’autre le mécréant le kafir.
Si ce phénomène mortifère est minoritaire, ses effets sur la nation sont immenses et peuvent déstabiliser durablement l’unité nationale.
La fracture déjà béante entre les Français issus de l’immigration Maghrébine (collectivement baptisés Musulmans), risque de muter en un fossé infranchissable.
La minute de silence de l’après Charlie l’a mise en lumière, de nombreux jeunes refusant de la faire.
Si les attentats du 13 novembre ont pu ramener tout le monde à la raison, le débat sur la déchéance de nationalité à montrer combien tout cela était fragile.
Les déclarations des ministres Français qui ont suivi les attentats de Bruxelles, comparaison entre Molenbeek et les quartiers ou les villes d’où sont partis les djihadistes Français, suivi de peu de l’appellation « Franco-musulman » sont venus raviver le débat, et remettre de l’huile sur le feu.
Ce dont on se serait bien passé.
Si l’on rajoute à tout cela,
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les déclarations des experts es-djihad
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les unes et déclarations hargneuses de Valeurs actuelles et des dirigeants FN
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les déclarations des Imams youtube dont certaines frôlent avec la légalité.
Le rejet de l’Islam et le racisme se portent bien en notre beau pays.
Face à tout cela il est une évidence que personne hormis peut-être Gilles Kepel ne dénonce.
L’IGNORANCE
Suite aux départs et à l’annonce des décès des jeunes Lunellois d’une part et aux problèmes de la mosquée d’autre part, une déferlante de journalistes s’est abattue sur la ville, tous médias confondus, télés, journaux, web, agence, presse étrangère…
J’en ai accueilli plus de soixante et dix, passant à chaque fois du temps avec eux, si je devais l’évaluer je dirais que j’y ai passé deux semaines de ma vie.
De ce large échantillon à ma disposition, que j’ai pu questionner, étudier, il en ressort que très peu d’entre eux connaissent l’islam, son organisation ou plutôt inorganisation en France, les enjeux et les luttes de pouvoir qui traversent la « communauté Musulmane » voire les communautés en fonction des origines des uns et des autres, les tensions intergénérationnelles et le passage d’un Islam du bled celui des pères à un Islam du web celui des fils et des petits fils, génération que l’on ne fera plus marcher voire courir après des promesses jamais tenues.
Ils sont ignorants des mutations et des controverses théologiques en cours à l’échelle de la planète.
Une information chassant l’autre, le gouvernement des émotions, les nôtres, ne leur laisse il est vrai que très de peu temps pour aller au fond des choses.
Cette ignorance imprimée, diffusée et malheureusement partagée par un grand nombre de responsables politiques et d’intellectuels est la porte ouverte à tout et au pire en particulier.
L’université Française et l’éducation nationale ont depuis bien trop longtemps maintenant mis de côté l’étude du monde islamique dans toutes ses dimensions et ce bien au-delà de la question théologique.
Sociologues, philosophes, politologues et autres scientifiques et sachants doivent urgemment se mobiliser et mobiliser nos dirigeants.
Soit nous nous emparons de cette question soit nous laissons d’autres ici et ailleurs charlatans de l’histoire et de l’humanité tisser leur toile et gangréner durablement notre société.
Le principe de laïcité qui prévaut ne sera suffisant pour faire face à ce nouveau défi pour la nation, que s’il est à nouveau conforté par le développement du savoir et de la connaissance.
Comprendre l’autre pour comprendre le monde est aujourd’hui une urgence.